
Sur le trottoir qui fait face à son immeuble, j’aperçois aussitôt – et terriblement élégante – Cécile qui est vêtue d’une « robe de demoiselle d’honneur » de couleur bleu marine… C’est elle qui me le dira plus tard. De même qu’elle en égrènera, pour moi, les principales caractéristiques : « mousseline douce avec volants », « col en v », « manches flottantes », « jupe trapèze descendant jusqu’aux genoux », « fermeture éclair dans le dos, du haut en bas »… Appendu à son bras gauche, apparaît un sac à main assorti, tandis que, sous le bras lui-même, elle a placé un gros dossier rouge vermillon. Elle porte des chaussures noires à lanières croisées derrière le talon, et venant haut sur la cheville.
– Vous êtes magnifique !…
– J’ai pensé que, pour une si belle voiture !… Laissez-moi déposer mes affaires à l’intérieur. Il faut que j’en fasse le tour… et que je prenne le temps de mesurer tout ce qui me sépare de cette époque où je ne pouvais voir l’autre que de loin, de très loin… Je sais toutefois qu’il y était écrit 318 TDS… Sur celle-ci, c’est 525 TDS… De plus, les vitres sont légèrement teintées…

Elle reprend :
– Ainsi, même de jour… et même dans quelques petites minutes… si vous voulez… Mais sans contact, d’abord. Rien que ton regard, mon chéri, sur mes jambes, mes cuisses, qui vont s’offrir leur premier envol devant toi… Sur la route de Valence, je connais un endroit plus ou moins visible de loin… C’est qu’il faut qu’il le soit tout de même un peu… D’ailleurs, je me promets de garder mes sous-vêtements… à charge de revanche au retour, dans le soir tombant… encore que le plafonnier risque de vouloir entrer dans le jeu pour m’offrir à toi en pleine lumière, en courant le risque d’attirer le regard de voyageurs un peu plus tardifs… De là où vous êtes, comment me verrez-vous ?… Laissez-moi ouvrir votre portière et me pencher un peu…


Maintenant assise auprès de moi, elle regarde tous les détails de l’habitacle, à l’avant, à l’arrière…
– Ce n’est pas mal non plus, cela, dit-elle en me montrant le siège arrière… Il y a une sorte d’espace tout désigné…

Elle se penche alors vers moi pour me prendre dans ses bras autant que l’exiguïté des places avant le permet…
– Et maintenant nous allons passer à ce que j’ai préparé pour vous, depuis quelques jours, avec ces nouvelles chaussures… que j’espère bien pouvoir hisser, tout à l’heure, jusque sur la planche du tableau de bord. Jamais je n’ai eu l’occasion d’en porter avec des talons aussi hauts et aussi fins… Vous serez étonné d’apprendre qu’en faisant quelques essais dans mon appartement, j’ai constaté à quel point ma démarche habituelle ne leur correspondait pas du tout. Pour que mes allées et venues répétées à la nuit tombante ne prêtent pas à confusion, j’enfilais un pantalon, et je m’efforçais de marcher, avec ces chaussures-là, de façon relativement alerte – le long de trottoirs bien plats et bien dégagés – en lançant ma jambe devant moi ainsi que ma mère m’avait recommandé de le faire, lorsque j’étais adolescente, et que j’essayais mes premières chaussures à talons un peu hauts. Maintenant, je vais donc contourner la voiture par l’avant, pour d’abord aller ouvrir la portière arrière de votre côté… prendre un aperçu de cet espace, tout en m’inclinant un peu vers l’intérieur jusqu’à pouvoir penser que des passants auront pu ressentir un certain trouble, même inspiré très discrètement, et puis je repartirai vers l’avant pour faire un aller-retour jusqu’au prochain arbre qui est là-bas, assez loin devant nous… La différence avec mes essais, c’est que, pour la première fois – et devant vous – je porterai ma toute nouvelle robe. Là encore – et vous vous en doutez évidemment -, j’essaie de me reprendre dans l’un de ses endroits où l’on m’aura vue passer, humble parmi les humbles, et plus soucieuse de raser les murs que de faire valoir quoi que ce soit de beau qui puisse émaner de mon corps et de mon style… Je sais bien que, de ce point de vue, je vais complètement changer de monde : il faut que je m’en montre digne dès le début, et pour aller jusqu’aux limites que vous voudrez bien fixer à mon désir de vous plaire et de faire venir sur moi des regards… intéressés, qui me donneront le feu de vous aimer au-delà de toute retenue, de toute décence… Mais, d’abord, du style, ma fille !…
C’est qu’elle en a ! Comment n’avais-je pas pu même m’en douter ? Et pourtant rien que sage et belle… Une vraie Dame, et si jeune, et si dynamique…
– Seuls des aveugles auraient pu n’y rien voir, n’est-ce pas !
– Et un paralytique ne pas y jeter la main !… Coquine !…
Tout au long de notre traversée de la ville de Romans, puis du pont sur l’Isère, et de notre envol progressif vers Valence, elle n’aura cessé de s’émerveiller de tout : silence intérieur, cadrans et lumières du tableau de bord, douceur et fermeté de son siège, et puis, surtout, cette vue dégagée devant nous et sur les côtés. De fait, Cécile sanglotait tout simplement, comme une petite fille :
– Si seulement maman pouvait me voir !… Mais là, non, je vais me débrouiller toute seule… Il reste à prendre la petite route qui ne va pas tarder à apparaître sur notre droite… C’est ici. Je devine que votre appareil est dans la boite à gants… Le voici… Vous m’aviez dit qu’il restait vingt-six vues à prendre…
– Ne vous inquiétez pas, Cécile : il y a une seconde pellicule là, tout au fond à droite…
Nous quittons nos places et faisons quelques pas pour prendre nos repères… La voiture est entre nous et la voie rapide… Résumons-nous…
Premier tableau : Debout, appuyée contre l’avant droit de la BMW, dos tourné à la voie rapide qui passe à une quarantaine de mètres, Cécile fait glisser ses mains sur ses seins, entrouvre ses lèvres de plus en plus largement, libère sa main gauche et en porte vers ses lèvres l’index qu’elle paraît sucer, tout en jetant un regard oblique sur moi. Ensuite, légèrement inclinée vers l’avant, de sa main gauche elle se saisit du bas de la robe bleu marine, le fait remonter jusqu’à hauteur de son entre-jambe qui s’écarte doucement. Quand la petite culotte bleue apparaît, sa main droite vient la couvrir, puis s’y glisse par le haut… mais déjà le bas de la robe est rendu aux genoux…
Deuxième tableau : Elle s’éloigne de la voiture vers la gauche, puis s’engage dans le sentier qui longe la voie rapide qui est seulement à une vingtaine de mètres de lui, puis elle revient dans la direction de droite qui la rapproche de l’endroit où je me trouve. J’ai activé le zoom. Il s’agit, pour elle, de marcher d’un pas altier sur le petit sentier où elle peut être facilement vue depuis les véhicules qui passent à vive allure sur sa gauche et dans le sens de sa marche. Dès qu’elle arrive à ma hauteur, elle arrête son pas, se tourne vers moi, et recommence, mais plus rapidement, les gestes faits précédemment à trois pas de moi…
Troisième tableau, qu’elle entame… « en espérant a-t-elle dit, que personne ne finira par emprunter la route de dégagement sur laquelle nous sommes… à moins que ce ne soit le contraire… et ce n’est pas cela qui m’empêchera de faire ce que j’ai à faire… jusqu’au bout ».
Elle s’installe sur son siège, en laissant la portière grand-ouverte : elle écarte les jambes et les lève pour placer doucement les hauts talons sur la planche, ce qui accentue magnifiquement leur galbe… Je me suis rapproché d’elle… Elle écarte légèrement sa petite culotte, de sa main droite elle effleure d’abord à plusieurs reprises, du bout de ses doigts fins, le bouton de plaisir qui, émergeant timidement des grandes lèvres de son sexe, se durcit peu à peu sous l’effet du mouvement lent et doux que Cécile lui applique en regardant dans le rétroviseur passager intérieur si la voiture redoutée (espérée) n’apparaît pas, et déjà, se tournant vers moi dans les moments les plus haletants, elle geint de façon croissante… tout en proclamant, plus qu’elle ne le murmure : « Dès que tu voudras, je serai à toi, mon amour, et dans tous les excès que nous saurons imaginer ensemble, comme, déjà, cela a commencé ! »
Michel J. Cuny
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