
C’est donc ainsi qu’on aura pu nous voir le samedi 3 juin 2006, aux environs de 9 heures 40, installé(e) côte à côte à la table située au tout premier plan… L’épaule gauche de Cécile vient, par instant, s’appuyer sur mon épaule droite pour m’inciter à glisser, une nouvelle fois, l’extrémité de mon doigt (le majeur) là où elle l’attend, c’est-à-dire sur sa vulve peu à peu ramenée à une protection vestimentaire minimale… Pour l’instant, elle accepte d’en rester à ce retour régulier qui lui sert à moduler, sans trop d’encombres, le souvenir qu’elle a gardé de certains passages du livre Amour, Beauté, Désir… Ce qui ne l’empêche pas de soupirer délicieusement, chaque fois…
– Dans le Séminaire, vous avez abordé la question de ce “chimney-sweeping” qui s’est instauré entre Breuer et Anna O. à l’initiative de celle-ci… Et vous en donnez la conséquence, du côté du thérapeute : la nécessité de couvrir ce genre de forfait, en décalant la poussée sexuelle (pulsion) que le processus mis en œuvre a induit en lui, du côté de la fécondation de son épouse… fécondation d’où naîtra effectivement un enfant… Il y a donc eu un travail intellectuel de très haut niveau – il a débouché indirectement sur la création de la psychanalyse, et c’est considérable ! – tout en donnant raison, en dernier ressort, à la reproduction sexuée…
– Mon amour, je sens une angoisse se développer en vous… Soyez prudente, avancez aussi lentement que possible, et venez-en à ce qui paraît devoir vous glacer…
– Je retiens un peu mon souffle, Donnez-moi, maintenant, votre coupable main… Michel, mon chéri, voudriez-vous me faire un enfant ?
– Je pense que je peux vous répondre aussi directement que vous m’interrogez… Pas plus que vous n’avez voulu être déflorée par qui que ce soit d’autre que vous-même.
– Resterons-nous sans enfant, alors ?…
– C’est à moi de vous le dire, parce que je l’ai lu dans le désarroi qui s’est marqué tout à coup sur votre visage : oui, nous resterons sans enfant, c’est ce que je désire par-dessus tout, comme vous.
– Et maintenant, cette question subsidiaire : y parviendrons-nous par des moyens chimiques ?… Aurais-je dû, venant ici, c’est-à-dire à deux doigts d’aller à l’hôtel avec vous pour y fonder nos jouissances à venir, me faire prescrire l’ordinaire système de défense ?…
– Vous avez déjà répondu à la question en ne le faisant pas… et je complèterai cela en vous disant que nous persisterons sur la même voie dans la suite. Il s’agira donc d’effacer, de façon naturelle, des excès que nous ne nous interdirons jamais, bien au contraire…
– Je saurai effacer… Je vous le promets… et, dès la première fois, vous saurez comment… Je t’aime, et si tu glisses à nouveau ton doigt en moi, mais un peu plus profondément, je cours partir à la recherche de mon dossier, où beaucoup de travail nous attend encore…
Tout doucement, Cécile et sa robe tellement belle et troublante se rapprochent de la voiture dont l’avant nous fait face : elle manipule la télécommande… On entend un petit claquement, les lumières clignotent vivement. Prenons sa place tandis qu’elle ouvre la portière côté conducteur…

Tout doucement, elle s’approche de l’habitacle et se penche un peu pour en voir l’intérieur…

Deux ou trois petits pas en arrière… La voici revenue dans mon champ de vision, par-delà la portière toujours ouverte sur laquelle elle garde la main gauche posée… Dans un mouvement très lent, elle écarte ses jambes dont le galbe se dessine avec de plus en plus de vigueur… Maintenant toujours plus cambrée sur la partie avancée de la plante de ses pieds, elle caresse sa poitrine légèrement masquée par la vitre démunie de toute garniture…
Elle s’avance à nouveau, tout en se préparant à prendre place au volant. Et la voici installée dans le poste de pilotage du bolide. Je ne vois plus que son visage qui me sourit…

Ses mains posées sur le haut du volant, elle inspecte tranquillement l’ensemble des instruments de bord… La voici qui s’extrait tout doucement du véhicule… Elle en sort, referme la portière, puis vient se placer sur le côté du coffre avant qu’elle fait s’ouvrir… Peu à peu, elle vient s’y affairer avec une sorte de frénésie croissante, qui fait ressortir la courbure de ses reins, et, à la fois, le galbe de ses jambes, quand, tout à coup, elle se prend à plonger beaucoup plus nettement dans la profondeur du coffre où quelque chose paraît lui échapper… Sa petite culotte se saisit plein cadre de l’image offerte à qui se sera trouvé là au bon moment pour obtenir la conclusion de cette aventure survenue entre une si pétillante jeune femme et ce qui ne peut être que sa voiture de sport : une Porsche Cayman 718 GT4… immatriculée dans les Yvelines. Mais c’est Cécile Delyle, bien sûr… Qui l’eût cru ?…
– Je n’en reviens pas ? Le compteur de vitesse monte jusqu’à 330 kilomètres/heure ! Est-ce possible ?
– Non, c’est seulement que la voiture a perdu la tête en voyant une si belle et si dynamique jeune femme se saisir, avec un tel aplomb, de toute son instrumentation… Elle vous a un peu menti… Mais son constructeur parle tout de même de 304 kilomètres/heure.
– Dans ce cas, pour rouler aussi vite, il faut aller sur un circuit !…
– Oui. Et c’est beaucoup plus compliqué qu’on ne pourrait le penser. Avant et après, Porsche veut faire un diagnostic complet…
– Et vous pensez tout de même que je pourrais la conduire…
– Vous la conduirez, Cécile… Il y a différents boutons qui permettent d’en contenir la puissance, et de l’utiliser comme une voiture de tourisme, très puissante, bien sûr, mais… vivable, et sans présenter plus de danger qu’une voiture banale…
– Je voulais vous dire… Mon beau dossier rouge a carrément glissé dans le fond du coffre… J’ai dû me dégarnir un peu – beaucoup ?… Oui, oui, vous le dites avec vos yeux… Je vous donne immédiatement un petit baiser… et nous repartons à 330 kilomètres/heure dans notre grand travail. Voici Amour, Beauté, Désir et voici mes notes. Je vais nous chercher un jus d’orange, et je reviens tout de suite… Vous pouvez les regarder… et moi, je t’aime furieusement !…
À peine revenue à mon côté, Cécile s’extasie à nouveau sur la voiture…
– Je comprends que je vais devoir travailler énormément, et devenir de plus en plus inventive pour entrer dans le rythme de travail intellectuel qui est le vôtre, en appui sur ce genre d’objet… À ce propos-là, je voudrais que vous m’expliquiez la différence que vous faites entre le Moi et le Je… Le premier captive ; le second libère… C’est l’impression que j’ai retirée de ce qui est au bas de la page 17 et qui se continue sur la page 18…
– C’est effectivement assez bien résumé.
– Devant vos auditrices et vos auditeurs, vous analysez la décision que vous avez prise d’ajouter J. à votre prénom Michel… Or, ce qui est très étonnant, c’est que vous ayez découvert bien plus tard, et comme par hasard, un des sens que cela pouvait avoir, alors que vous pensiez ne pas en avoir eu l’idée. J’ai compté : sept ans s’étaient écoulés depuis votre décision, et voici que, tout à coup… (je vous lis)… « La scène se passe à Vénissieux, en 1983 ou en 1984. Devant moi un instituteur, à sa gauche une petite bibliothèque. Discussion à bâtons rompus. Soudain, son attention est attirée par mon nom sur la couverture du livre qu’il a en mains. Au moment de répondre à cette question sur le “J”, qu’on me pose souvent, mon regard glisse sur l’une des étagères et je lis : “Arthur Rimbaud”. Flash immédiat : Michel J. Cuny – Je est un autre. “Je” venais de trouver la clef de ma vie de désir, ou du désir de ma vie.
– C’était, en effet, une façon de naître à moi-même en passant par cette condition d’écrivain que je m’étais inventée.
– Et cela signifie que vous connaissiez cette formule du poète, et tout ce qu’il développait à la suite, mais que vous n’aviez pas encore fait le lien entre son Je et le J. que vous aviez décidé d’ajouter à votre prénom.
– Le sens même de ce qu’écrivait Rimbaud, je n’en avais pas encore l’expérience… Je l’avais lu… J’aurais même pu analyser ce qui s’y trouvait, mais tout cela ne m’était pas encore apparu comme étant une manifestation de mon propre être, c’est-à-dire de tout ce que je suis…
– Mais, est-ce que je me trompe en disant que, directement ou indirectement, quand vous avez modifié votre prénom pour faire, du nouveau patronyme, le support d’un personnage public : un écrivain, vous avez pris appui sur deux pères : le vôtre qui voulait vous aider à garantir votre identité en vous faisant ajouter, au premier, votre second prénom… et puis ce spécialiste de la guitare que vous évoquiez, tout juste avant, dans votre Séminaire : Robert J. Vidal ?
– Vous ne vous trompez pas du tout, ma chérie Vous êtes au cœur de la question de l’Œdipe…
– Je vois que nous allons devoir partir… Nous saurons que nous nous sommes arrêté(e) là, sur Œdipe… Mais, avant que nous ne nous jetions tous les deux dans le grand monde, pour la première fois, avec la belle voiture de course, je vais vous dire la citation que vous donniez « à titre d’illustration » de la lettre adressée, par Arthur Rimbaud, à son initiateur en poésie, Paul Demeny, le 15 mai 1871, alors qu’il avait dix-sept ans. J’en prends ma part, Michel, mon amour…
« Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène. Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ! ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs ! »
Michel J. Cuny
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